La Rock'n' Art Attitude
de Slim Gil DeLuxe
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

La Rock'n' Art Attitude de Slim Gil DeLuxe

Artiste dingue ou doux génie, Slim Gil DeLuxe fête en 2007 ses 30 années de création. Promenant sa dégaine d'iguane vynilique dans un monde où entrent en collision toutes ses sources d'influences (des comics américains aux radio shows déjantés des fifties en passant par la musique et les vieilles séries B made in USA), le bonhomme se plaît à recréer l'histoire du Rock'n'roll dans des oeuvres que l'on pourrait qualifier "d'anticipations-rétrospectives historico-culturelles".

Toutes ses idoles y trouvent leur place, comme ce fût le cas du 16 au 19 Août 2007 lorsque Slim Gil fêta, en grande pompe (avec, comme il se doit, quelques centimètres de talons), son retour sur le devant de la scène à travers l'exposition "Haloha from Hell" (en collaboration avec son ami RKO). Un humble mais réussi hommage à Elvis Presley, histoire de célébrer à sa façon les 30 ans de la disparition du King.

De toiles en pensées, de dessins en évocations, de solos de batterie (Slim Gil est également musicien) en coups de gueule, il faut se dire que Slim Gil est de retour et que, cette fois-ci, il est prêt à initier toutes les âmes consentantes à son fabuleux voyage.

Présentation...

Slim Gil DeLuxe… un pseudonyme qui peut en dire long, d'où te vient-il ?
Slim me vient de Sylvain Sylvain (membre fondateur et guitariste des New-York Dolls, Nda) qui lors d'un concert de son groupe m'avait dit " You are slim like David " (en référence au chanteur des Dolls, David Johansen, Nda). J'ai sauté sur ce surnom car il me permettait de me débaptiser d'un autre que l'on m'avait donné et qui était le nom d'un mort, ce qui n'est jamais très rassurant.

Gil est une référence à mon vrai prénom (Gilles, Nda) et Deluxe remonte à une visite d'amis chez moi.
Ils m'avaient dit " Toi tu es un fuckin' Rock'n'Roll Deluxe "
Ce mot évoquait, pour moi, les premiers traitements de couleurs dans les " B-movies ", traitement par Deluxe.
Cela colle bien à mon activité, donc j'ai gardé…

Ton activité, justement, remonte à 30 ans (1977-2007). Comment t'est venue cette passion pour l'illustration ?
J'ai eu un homme admirable comme professeur de dessin à Strasbourg. Il était bien implanté dans le milieu Rock'n'Roll. Un jour, à la rentrée 1977, il m'a balancé une pile de magasines sur la table. Certains d'entre eux faisaient référence à la mort d'Elvis (16 août 1977, Nda) d'autres à ce qui se passait à Londres à cette époque (explosion du mouvement Punk, Nda). Il m'a dit que c'était la même expression du côté sauvage qui était représentée par ces deux mouvements musicaux, à des époques différentes. Il en résulte 30 ans de recherches et de dessins…

J'ai essayé de traduire, par l'image, toutes ces émotions.
Cette année je fête un double trentenaire. Celui de la mort de Presley et celui de mon démarrage dans l'art graphique, 30 ans…

Puisque, chez toi, l'art graphique est indissociable de l'art musical, peux-tu évoquer tes différentes influences ?
Je suis influencé par tout ce qui touche au Rock'n'Roll et aux autres formes d'art qui existaient aux débuts de celui-ci. Cela peut être les B-movies, le burlesque…
Pour les B-movies, il n'y a pas d'artifices, ce n'est pas la peine de rajouter des effets spéciaux…
C'est quelque chose de très simple comme regarder, par un trou de serrure, la vie d'un mec profondément étrange. Ceci très rapidement, avec un petit budget, il faut que ça reste spontané…
Il ne faut pas que ce soit trop travaillé, trop léché et mort au bout du compte…

J'ai aussi des égéries comme Betty Page que j'adore dessiner et Lux et Ivy des Cramps à travers lesquels je dessine d'autres personnages. Tout cela est forcément lié à la musique car pour moi un dessin a le même genre de rythme. On a besoin de l'image pour la musique et réciproquement.

Le cheminement est le même lorsque je dessine que lorsque je joue de la musique.
La préparation et la restitution ont cette même énergie, cette même urgence et cette même mise en danger…

Quand tu dessines, est-ce toujours sur fond sonore ?
Oui, suivant les heures, comme je commence très tôt...
J'aime démarrer au lever du jour quand, justement, il n'y a pas de son.
Après je m'accompagne musicalement car parfois un extrait de morceau peut me donner une idée pour illustrer. J'ai aussi besoin de rester dans une respiration quand je travaille.
C'est, sans doute, pour cela que j'ai des CD parce que ça dure plus longtemps et qu'on n'a pas besoin de les retourner et de continuellement les manipuler. Sinon je reste un irréductible défenseur des disques vinyles bien craquants.

As-tu besoin d'être dans un " cocon " spécial pour créer ?
Oh oui…
Déjà, il me fallait un endroit isolé où je puisse me protéger.
Mon royaume représente 30 ans de " collectionnite " et de récupération. Cela va plus loin que le Musée…
C'est plus un Temple car tout revit ici. J'ai besoin de ce visuel pour toujours être en immersion et, surtout, ne jamais être pris en flagrant délit de normalité.
Tout ce qui est chez moi anime ce que je fais. A mon avis, un bibelot peut être tout aussi Rock'n'Roll qu'un disque.

De plus, si ces objets n'avaient pas été récupérés il seraient morts ou perdus aujourd'hui alors qu'ils peuvent encore servir. De la même manière, en peinture, j'utilise des outils traditionnels qui n'ont pas bougé depuis 2000 ans…
Si on avait détruit le passé, je ne vois pas comment on pourrait bosser pour le futur.

Tu as un mode de vie très Rock'n'Roll et pourtant, tu vis dans un endroit très paisible au milieu de la campagne, dans le vignoble alsacien. Comment expliques-tu ce contraste ?
C'est nécessaire, pour moi il n'y a pas de contraste, c'est obligé !
C'est comme durant une méditation avant un concert. Le côté sauvage, tu peux le retrouver dans sa restitution, pas dans sa composition.

Pour pouvoir composer, j'ai besoin de calme et de retrouver l'instant présent, le ici et le maintenant…
Pour cela t'es obligé de te retrouver en pleine nature afin d'éviter de te faire vampiriser.
C'est une protection, d'ailleurs Monet disait " L'isolement favorise le talent "

Comment médites-tu ?
Je pars sur des bases bouddhistes traditionnelles et je médite au lever du jour.
J'ai abandonné les bouddhistes, et tous ces illuminés, le jour où on a voulu m'imposer des règles.
Moi je veux une méditation sans règle où tu laisses venir les choses, où tu lâches ton mental et tu laisses venir les influences. C'est là que tous les esprits viennent et gravitent autour, c'est eux qui m'inspirent…

C'est très chamanique comme truc, très natif américain, medecine man etc…
C'est pour cela que les rockeurs ne me comprennent pas en général. Surtout quand tu leur dis que tu es hippie, rockabilly, surfer, psychédélique…
Tout cela veut dire la même chose mais pas pour eux. C'est la richesse de mon paradoxe…

Pour toi, qu'est-ce qu'être Rock'n'roll ?
Pour moi c'est très peu de musique et beaucoup d'un art de vivre…
Celui-ci est bâti sur le besoin de faire des expériences et d'aller jusqu'au bout des choses.
C'est un art de vivre de tous les jours…

Tout cela est devenu très " cliché " car on a fait des compilations avec tout cette culture, des trucs bien rangés et très léchés…
C'est pour cela, qu'un jour, je vais peut être décider de me taire…
Tout se dira dans le papier…
Cet art de vivre il faut le transmettre !

C'est une bonne chose d'être Rock'n'roll, ça nous sauverait la planète…
Puisqu'on est dans les grandes tirades de réchauffement et autres soyons Rock'n'Roll, ça ira beaucoup plus vite…

Pour l'exposition qui a marqué ton retour " Aloha from Hell " , pourquoi t'es-tu spécialement arrêté aux débuts d'Elvis Presley ?
Pour moi 1954 était l'année de démarrage du Rock'n'roll avec tous ces sauvages qui gravitaient autour de chez Sun et de tous ces petits labels. Cette année est symbolique comme la période 1954-1966 que j'évoque. Avec une pointe en 1961 avec ce qui a émergé au cinéma. C'est vrai qu'on pourrait prendre ce qui s'est passé un peu avant et un peu après en allant chercher dans le Blues par exemple.

J'ai donc tranché en m'axant sur l'année 1954, en plus c'était dix ans avant ma mort, euh ma naissance.
C'est aussi un peu symbolique.

Ce lapsus "dix ans avant ma mort" n'est peut être pas innocent de ta part. Crois-tu en la réincarnation ?
(rires) Oui, enfin j'y croyais dans mon ancienne vie, maintenant j'y crois plus trop.
Bien que lorsque je me déplace dans certains endroits, aujourd'hui, j'ai franchement conscience que les gens se rendent compte de ma peau verte et de mes antennes.
C'est vrai que c'est un lapsus intéressant (rires).

On ne peut pas faire autrement que croire en la réincarnation, on ne peut pas nier l'esprit et l'âme…
Comme lorsqu'on écoute un vieux 45 tours où on croise l'âme de l'artiste qui l'a gravé.

Elvis est-il mort ?
Ah non non non !
Beaucoup de gens le croient…
Je suis quand même soumis à une certaine réserve mais il y a des gens qui vont être surpris…
Il n'est pas mort, c'est pas possible…

Quand tu rencontres des gens comme Lux et Ivy (des Cramps, Nda) tu te dis qu'il parle à travers eux, il est toujours là. Il m'est apparu un soir de concert des New-York Dolls, quel merveilleux mariage.
Que ce soit Elvis ou Jerry Nolan (batteur des New-York Dolls décédé en 1992, Nda), ces grands-là ne disparaissent pas, leurs esprits restent.
Nous avons une putain de mission qui est de transmettre tout ce qu'ils nous ont laissé car c'est trop beau.

Si tu pouvais voyager dans le temps et l'espace et que tu te retrouvais mi-août 1977 à Graceland (la demeure d'Elvis Presley à Memphis, Nda), que dirais-tu au King ?
Viens avec nous, ne reste pas là…
Ne bouffe pas toutes ces merdes et viens avec nous. On va t'emmener sur la route…
Je crois qu'on l'aurait enlevé pour le soustraire à tout cela.

En couverture du dernier fanzine " Elvis My Happiness " (revue éditée par le Club français dédié à Presley " Elvis My Happiness ", Nda) il y a la dernière photo connue d'Elvis rentrant dans Graceland à l'arrière de sa voiture. C'est poignant et de t'en parler je le vis intérieurement.
Je me vois traverser et dire à Elvis " Come on, viens on va recommencer un truc, tout n'est pas fini, arrête "…

David BAERST

Vous pouvez retrouver l'intégralité de l'entretien avec Slim Gil Deluxe en téléchargeant l'émission, qui lui était consacrée, en cliquant ICI.

Lien utile pour pour en savoir plus sur l'artiste http://www.myspace.com/slimgildeluxe


 
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